Biennale du Design : Intervention de Martin Vernay,  ErgoConcept

Pour la 12e édition de la Biennale du Design de Saint-Étienne, rendez-vous incontournable des designers, chercheurs, entreprises et intellectuels, Martin Vernay et son collaborateur, Alain Deveze, ont été invités à participer à une table ronde autour du thème  “Le design dans le quotidien des entreprises : quelle plus value? comment faire?”.  L’occasion d’évoquer comment leur collaboration a généré une énergie nouvelle pour développer des produits de manière fonctionnelle et esthétique, qui répondent aux besoins réels des utilisateurs, et ce, le plus localement possible. Extraits. (Vidéo complète )

Laurent Vacheresse, cité du design : Martin Vernay, votre entreprise ErgoConcept située à Mornant, fabrique des fauteuils électriques reconnus autant pour leurs formes que leurs fonctionnalités. Pourriez-vous expliquer comment vous avez réussi à faire entrer le design dans votre entreprise ? 

Martin Vernay : Au début, quand mon père et moi avons fondé Ergoconcept, c’était sur la base d’un prototype de fauteuil roulant électrique qui, de par son côté fonctionnel et pratique, était en mesure de révolutionner la vision de la mobilité des PMR. Mais ce produit ne répondait à aucun code esthétique, le “beau” était absent. Notre démarche initiale a été de choisir des couleurs neutres, sans parti pris clivant, puis de progressivement décliner des gammes aux couleurs différentes. Le véritable déclic a été la rencontre avec Alain qui nous a permis de créer de nouvelles synergies dans la société. Sur la base de son expérience (Thales, Salomon, etc…), on a commencé à intégrer les codes d’autres marchés dans notre réflexion : aérodynamisme, mobilité, confort… En plus de créer un produit fonctionnel et sécurisant, cela nous a inspiré la volonté de “penser le beau fauteuil” de demain. 

À la même époque, en complément de nos 2 gammes de fauteuils, nous avons intégré le modèle de confection japonaise Whill Model C, qui est davantage perçu comme un “robot de mobilité”. Sa conception ultra design s’éloigne des codes habituels, du côté triste associé au fauteuil roulant. Cela transforme aussi le regard des personnes valides en renversant leur approche du handicap. Design, connecté, le fauteuil devient une force car les gens ont envie de l’essayer. Cela donne une résonance supplémentaire à notre métier de concepteur de produits liés à la santé, qui doivent avant tout répondre à un véritable besoin.

Alain Deveze : De mon côté, Il faut savoir être un caméléon, écouter, et parler le langage de mon interlocuteur en fonction de sa problématique, de son temps et de son budget. ErgoConcept avait besoin de propositions inventives pour déboguer des détails, c’était un challenge technique avec une part créative importante. Il fallait se poser les bonnes questions pour chaque étape de création, et travailler le plus localement possible, une dimension importante pour moi. Pour notre première collaboration sur le repose-jambe E09 L, nous avons ainsi réussi à fabriquer un accessoire intégralement en France, en faisant intervenir jusqu’au voisin de palier d’ErgoConcept.

Aussi, il faut mettre en confiance l’entrepreneur. Le prestataire créatif ne doit pas s’approprier le projet, le cahier des charges ne doit pas être trop strict. Il ne faut pas avoir peur de l’évolution du produit final qui, en fonction des contraintes et coûts de fabrication, sera sûrement bien différent de l’idée initiale. Un bon designer ne se définit pas par la qualité de ses sketchs mais par celle du produit fini. C’est le client qui juge si le produit est bon ou pas. 

Laurent Vacheresse : Comment avez-vous intégré la relocalisation de la production dans votre démarche ? 

Alain Deveze ErgoConcept Martin Vernay : Lors de la réalisation du prototype, nous avons choisi de faire appel à des entreprises situées à proximité, en Ardèche ou dans le Forez, jusqu’à notre propre voisin comme l’a rappelé Alain. Dès lors, j’ai réalisé qu’au niveau du coût, la différence était assez mince par rapport à nos fournisseurs étrangers, sans compter une plus-value non négligeable au niveau du  transport ou même de notre image marque. Le travail d’Alain nous a aussi permis d’améliorer la communication avec nos partenaires industriels grâce à ses modélisations qui réduisent dès le départ le risque d’erreur ou d’incompréhension. Dès notre première collaboration, on a inventé un accessoire pratique, beau et “made in France”, et la volonté de relocalisation est devenue une opportunité pour nous. De plus, la situation économique mondiale nous y pousse également. J’ai tendance à penser que si l’intérêt et la bienveillance sont liés, on agit  non plus par contrainte mais pour joindre l’utile et l’agréable. Cela nous motive pour continuer dans ce sens.  

À la base il s’agit surtout de bon sens, savoir écouter, être humble, accepter que le projet se construise à plusieurs cerveaux, mais aussi que toute personne peut avoir la bonne idée dans l’équipe. Pour résumer, on part d’une idée sans limites (substance), puis on étudie sa concrétisation (coût, faisabilité, logistique) et le design c’est le pont qui permet de faire cela. Partir de rien, faire un prototype qui deviendra ensuite une série, produite en France, et vendre un produit rentable adapté aux besoins de nos utilisateurs. C’est une démarche holistique très bénéfique. 

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Rencontre avec Alain, l’inventeur malin qui collabore avec ErgoConcept !

De l’esthétique à l’éthique: rencontre avec ErgoConcept