Confinement d’un champion : quelques nouvelles de Gaëtan Charlot

Depuis quelques années, ErgoConcept a le plaisir de soutenir Gaëtan Charlot, l’un des 30 meilleurs épéistes mondiaux dans sa catégorie. Alors que le jeune homme vit habituellement à un rythme effréné, entre compétitions et études supérieures à l’INSA de Lyon, nous lui avons demandé comment il appréhende cette période de confinement. Maintien en forme, entraînement spécifique, équilibre alimentaire… Gaëtan nous dévoile quelques infos sur ce nouveau quotidien, et sa réaction à l’annonce du report des Jeux paralympiques de Tokyo. 

Comment s’est passé ton début d’année 2020 en terme d’entraînement, de compétitions ?

Ce début d’année 2020 était extrêmement important pour moi puisque, dès Septembre 2019, j’ai mis en place un protocole d’entraînement en collaboration avec mon Maître d’armes, mon préparateur physique, mon préparateur mental pour que mon pic de forme arrive en Février/Mars 2020, au moment de mes échéances les plus importantes de ma saison, à savoir :

  • Coupe du Monde en Hongrie (mi-février 2020)
  • Championnat du Monde U23 en Thaïlande (fin février 2020)
  • Coupe du Monde au Brésil (Mars 2020)

Vis-à-vis de l’INSA, j’avais également aménagé mon emploi du temps dès le mois de Septembre pour avoir le moins de cours possible sur cette période. Donc, après 5 mois d’entraînement intensif, d’efforts quotidiens, de sacrifices hebdomadaires permanents, j’allais enfin savoir si j’étais à la hauteur du formidable défi que je me suis lancé : une médaille au Championnat du Monde U23, et 2 “top 16” en Coupe du Monde pour me rapprocher d’une hypothétique qualification paralympique.

Après une victoire en Compétition Nationale en Janvier à Joinville, je me suis rendu en Hongrie avec le plein de confiance et cela m’a réussi puisque pour la première fois de ma vie, j’ai atteint le top 16 ( 13ème) lors d’une épreuve de Coupe du Monde qualificative pour les Jeux Paralympique.

Mon premier objectif était atteint et j’attendais avec impatience de m’envoler pour la Thaïlande….

Avant le confinement, pensais-tu pouvoir être sélectionné pour les Jeux de Tokyo ?

La sélection pour les Jeux Paralympique devait être communiquée fin Mai-début Juin à l’issue des Championnats d’Europe. Donc, avant le confinement, rien n’était joué. Aux points, j’avais du retard, mais 4 bons résultats (TOP 16) sur les 4 dernières épreuves auraient pu  me permettre de me qualifier.

En réussissant une bonne performance en Hongrie, j’entretenais l’espoir de me qualifier car je suis sur une pente ascendante au classement mondial (22ème position) avec devant moi, des adversaires à ma portée.

Une fois la confirmation de l’annulation des 3 dernières compétitions internationales de la saison, j’étais découragé, d’une part, d’avoir fait tant d’efforts à l’entraînement pour rien, et moralement d’autre part, j’étais anéanti car c’était la quasi certitude de perdre l’espoir de me qualifier, sans pouvoir défendre mes chances, épée à la main…

Comment te maintiens-tu en forme depuis le confinement ?

L’annonce du confinement ne m’a pas affecté car d’une part, je m’attendais à cette décision  inéluctable, d’autre part, comme je l’ai dit, c’est l’annulation de toutes les compétitions qui m’a affecté.

Le confinement, finalement, n’a pas changé grand-chose dans ma vie d’athlète, puisque ma saison était quasiment d’ores et déjà terminée dès le mois de Février sans être blessé. Mais bien sûr, confinement et saison terminée n’impliquent pas que du jour au lendemain, je vais arrêter de m’entraîner. Au contraire, un sportif doit toujours s’adapter aux circonstances. À moi de profiter de cette période pour faire une petite coupure avec l’escrime afin de repartir avec encore plus d’envie.

Rassurez-vous, cette coupure n’a pas duré longtemps, juste une semaine pour m’organiser à la maison pour suivre mes cours à distance. J’ai installé un atelier de précision dans mon garage et profite de cette période pour travailler le physique avec des exercices plus intenses. Tous les jours, je fais deux séances de 45 minutes d’escrime et une séance de musculation tous les deux jours. Je suis les consignes de ma nutritionniste pour mon physique et de mon préparateur mental pour mon moral. Je fais du ping-pong  pour garder l’habileté de mon corps.

Évidemment, ce qui  me manque, c’est l’opposition.

As-tu mis en place de nouvelles méthodes d’entraînement, es-tu connecté avec tes co-équipiers ?

Forcément, mon entraînement est complètement différent. C’est l’occasion de travailler différemment, d’essayer d’être imaginatif. J’ai peu de contact avec mes coéquipiers même si on reste connecté régulièrement. Je prends beaucoup de conseils auprès de Maître HUET, entraîneur de l’équipe de France d’épée handisport avec qui je partage beaucoup.

Mon préparateur physique me donne des exercices (par téléphone) à faire tous les deux jours

Comment as-tu réagi à l’annonce du report des Jeux Paralympiques de Tokyo ?

C’est une excellente nouvelle d’après moi ! Les Jeux Paralympique, c’est d’abord la grande fête du sport ; Participer à un tel évènement avec des craintes, des doutes sur les personnes présentes, sur l’organisation, ce n’est pas agréable.  Même si la pandémie sera endiguée à cette période, le traumatisme causé sera encore trop présent dans les esprits.

Ensuite, pour les athlètes, qu’ils soient qualifiés ou en attente de l’être, c’est leur retirer une incertitude malsaine. Le report permet aussi de gommer les différences de qualité de préparation en fonction du confinement, ou non, du pays d’origine.

En ce qui me concerne, je préfère un report car je pourrai disputer ma chance d’y participer jusqu’au bout. S’ils avaient été maintenus en réduisant le nombre de compétitions de sélection, j’aurais été très frustré en cas de non sélection. Là, je reprends mon destin en main. A moi de pas laisser passer cette chance. Mais attendons de savoir comment vont évoluer les critères de sélection en décalant d’un an un tel évènement.

Comment envisages-tu les prochaines semaines ?

Comme tout le monde je pense, j’ai hâte que tout cela se termine pour reprendre une vie normale. La compétition me manque énormément ; mon printemps devait être hyper chargé et, à la place je suis tous les jours à la maison.

Je continue à m’entraîner régulièrement pour  maintenir mon niveau et améliorer mes lacunes.

L’INSA a été super réactive pour organiser les cours à distance ; chapeau ! du coup, j’ai pas mal de travail scolaire (les cours à distance  demandent beaucoup de préparation, sans parler du problème de connexion) avec une adaptation des professeurs plus que pertinente.